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Patrimoine,Fiscal

Démembrement de propriété

Cession de titres démembrés avec clause de remploi : la difficile détermination du prix d’acquisition

Le montant de la plus-value, imposable uniquement entre les mains du nu-propriétaire, est égale à la différence entre le prix de cession de la pleine propriété et leur valeur d’acquisition, déterminée nécessairement, s’agissant d’une acquisition à titre gratuit, par la valeur vénale de la nue-propriété des titres majorée de la valeur vénale de l’usufruit de ces titres.

Méthode de calcul de la plus-value en cas de cession de titres démembrés sans répartition du prix de vente

Lorsque des titres démembrés sont cédés conjointement par le nu-propriétaire et l’usufruitier, la plus-value est imposable au nom du nu-propriétaire en cas de remploi du prix de cession. Dans ce cas, la plus-value est déterminée par la différence entre le prix de cession des titres cédés et leur prix d’acquisition (CGI art. 150-0 A). Si le prix de cession à retenir est toujours celui de la pleine propriété des titres cédés, pour déterminer le prix d’acquisition, plusieurs situations peuvent se présenter (BOFiP-RPPM-PVBMI-20-10-20-60-§§ 100 à 170-20/12/2019).

Notamment, il convient de distinguer selon que le nu-propriétaire ou l’usufruitier a disposé ou non de la pleine propriété des titres avant leur démembrement.

Dans le premier cas, le prix ou la valeur d’acquisition à retenir est constitué par le prix ou la valeur d’acquisition initiale de la pleine propriété des titres majoré de l’accroissement de valeur du droit transmis (nue-propriété ou usufruit) constaté entre la date de l’acquisition initiale de la pleine propriété et la date de transmission à titre gratuit ou onéreux.

Dans le second cas, il convient de retenir, soit le prix d’acquisition de la pleine propriété des titres, soit la valeur globale retenue pour la détermination des droits de mutation à titre gratuit.

Les faits

Dans cette affaire, l’administration a contesté le prix d’acquisition des titres cédés retenu par le nu-propriétaire. Les faits étaient les suivants.

Le 6 juillet 2011, une mère a consenti une donation-partage au profit de ses deux enfants portant sur la nue-propriété d’actions dont elle s’était réservé l’usufruit. Ces actions lui appartenaient en toute propriété pour avoir été acquises pour la nue-propriété par donation de son père le 9 décembre 2005. Puis elle en avait recouvré la pleine propriété suite au décès de son père intervenu le 25 janvier 2011 mettant fin à l'usufruit.

Aux termes de la donation-partage du 6 juillet 2011, la valeur unitaire en pleine propriété des actions a été fixée à 16 686,95 € (la valeur unitaire en nue-propriété étant égale à 6 674,78 € compte-tenu de l’usufruit évalué à 6/10e de la pleine propriété).

Le 15 novembre 2012, les donataires ont fait apport à une société des titres démembrés avec l’accord de la donatrice, pour une valeur unitaire en pleine-propriété de 18 083,30 €. Conformément à la clause de remploi insérée dans l’acte de donation-partage, les titres reçus en rémunération de l’apport ont également été démembrés.

À l’issue de l’opération, les nus-propriétaires, redevables de l’impôt de plus-value compte-tenu du remploi, ont déclaré une plus-value de 1 396,35 € par titre apporté (18 083,30 € – 16 686,95 €).

L’administration, estimant que l’assiette des plus-values dégagées à la suite de l’apport était erronée a redressé pour insuffisance de plus-value déclarée. Le tribunal administratif rejette le redressement, l’administration fait appel.

La position de l’administration

Pour l’administration, il convenait de retenir comme prix d’acquisition, celui de la valeur d’acquisition initiale de la pleine propriété le 9 décembre 2005, date de la donation en nue-propriété par son père, soit 2 679 €, majorée de l’accroissement de la valeur de la nue-propriété transmise entre le 9 décembre 2005 et le 6 juillet 2011 (date de la donation de la nue-propriété consentie par la donatrice à ses enfants), soit 3 995,78 €, soit une plus-value unitaire imposable de 11 408,52 €. Cette méthode conduit à retenir comme prix d’acquisition la valeur unitaire de la nue-propriété à la date du 6 juillet 2011 (2 679 + 3 995,78 = 6 674,48 €).

En effet, l’administration a considéré que la plus-value relative à l’usufruit que la donatrice s’était réservé ne devait pas être purgée.

La Cour administrative d’appel rejette le raisonnement de l’administration

La donatrice n’ayant réuni entre ses mains la pleine propriété des titres que le 25 juin 2011, date du décès de son père, il ne saurait être tenu compte de l’accroissement de la valeur de la nue-propriété des titres entre le 9 décembre 2005, date où elle n'en a reçu que la nue-propriété, et le 6 juillet 2011.

Par conséquent, il convient de retenir comme prix d’acquisition, la valeur vénale de la nue-propriété des titres majorée de la valeur vénale de l’usufruit (soit, globalement la valeur en toute propriété) retenue pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit le 6 juillet 2011. En effet, en cas de remploi, le nu-propriétaire seul redevable de l’impôt de plus-value doit être regardé comme vendant également pour le compte de l’usufruitier, l’usufruit dont celui-ci s’est temporairement déssaisi.

Pour aller plus loin :

Titres des dirigeants, quelle fiscalité ?, RF 2018-4, § 7622

CAA Lyon 1er avril 2021, n° 19LY00344

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