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Appréciation du caractère exagéré des primes versées sur un contrat d’assurance-vie à la date du versement

En cas de rachat par le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie et de réinvestissement du produit de ce rachat dans un autre contrat d’assurance-vie, c’est à la date de ce dernier versement qu’il convient de se placer pour apprécier le caractère manifestement exagéré ou non des sommes versées sans tenir compte des versements sur le contrat racheté.

Dans le cadre de l’assurance-vie, le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré (c. ass. art. L. 132-12). Par conséquent, le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Il en résulte donc un risque de contournement de la réserve des héritiers notamment lorsque les sommes sont versées à des tiers à la succession. Pour limiter ce risque, les héritiers peuvent, par le biais d’une action en justice, demander la réintégration des primes versées si elles apparaissent manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur (c. ass. art. L. 132-13).

Dans cette affaire, à la suite du décès survenu en 2012 du souscripteur d’un contrat d’assurance-vie, des difficultés se sont élevées à l’occasion du partage de la succession entre l’épouse survivante, bénéficiaire du contrat, et la fille issue d’une première union.

Cette dernière a demandé la réintégration de 11 versements exceptionnels de primes d’assurance-vie effectués entre 1985 et 2006 invoquant leur caractère exagéré. Pour la Cour d’appel, les primes versées sur ce contrat entre 1985 et 2006 n’avaient pas à être prises en compte dans la mesure où ce contrat avait été racheté par le souscripteur en 2006. Par conséquent, seul devait être pris en compte le versement de 160 000 € réinvesti en 2006 dans un nouveau contrat dont l'épouse survivante était bénéficiaire. Or, à la date de ce versement en 2006, le caractère exagéré des primes au regard des situations patrimoniale et familiale du souscripteur n’était pas établi. En effet, à cette date, le versement n’a pas retiré au contrat d’assurance-vie son aléa. Par ailleurs, l’utilité du placement ne pouvait être contesté, le souscripteur n’ayant pas de charge particulière ni frais pour se loger, ni problème financier. La fille se pourvoit en cassation. Son pourvoi est rejeté.

Pour la Cour de cassation, les règles du rapport à succession et de la réduction pour atteinte à la réserve qui concernent les primes manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur d’un contrat d’assurance-vie ne s’appliquent pas aux primes versées sur un contrat d’assurance-vie racheté par son souscripteur. Par suite, le réinvestissement opéré sur un nouveau contrat ne présentant pas de caractère manifestement exagéré au regard de ce versement, la cour d’appel n’avait pas à vérifier si les primes versées sur le contrat racheté présentaient un caractère exagéré.

Pour aller loin :

« Donations – successions », RF 2020-6, § 1553

Cass. civ., 1re ch., 9 février 2022, n° 20-18544

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