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Opération de défiscalisation

Faire annuler un investissement locatif s'il se révèle trompeur ... 10 ans plus tard

Un investissement locatif réalisé dans un but de défiscalisation peut être annulé s’il se révèle trompeur. Peu importe que l’acheteur ait laissé passer plus de 10 ans depuis son investissement.

Un investissement locatif réalisé dans un but de défiscalisation

Une personne acquiert un appartement dans une résidence en l'état futur d'achèvement. L’objectif de son achat est de réaliser un investissement immobilier locatif bénéficiant d'une défiscalisation.

Une fois la résidence achevée, l’acheteur confie son appartement à un exploitant avec lequel il signe un bail commercial de 9 ans.

A l’échéance du bail, l'exploitant informe l'acquéreur de son intention de résilier le bail aux conditions initiales en raison de la baisse de rentabilité de l'appartement. Un nouveau bail est ainsi conclu avec un loyer réduit.

L’investisseur pense avoir été trompé

L'acquéreur décide d’assigner le vendeur alors que plus de 10 ans se sont écoulés depuis son achat. Il estime avoir été victime d’un dol et demande en conséquence la nullité de la vente. Subsidiairement, il demande à être indemnisé des préjudices que le vendeur lui a fait subir en manquant à son devoir de conseil.

L’acquéreur fait notamment valoir qu’il a pris conscience que :

- la valeur vénale et locative de l’appartement avait, en réalité, été surévaluée par le vendeur ;

- le vendeur lui avait faussement fait croire qu’une étude financière loyale sur le prix de vente et le rendement escompté avait été faite par un organisme indépendant ;

- le vendeur avait accordé des concours à l'exploitant qui avaient permis à celui-ci de maintenir artificiellement le loyer initial à un niveau déconnecté du marché.

Les griefs de l’investisseur sont repoussés

Saisie de cette affaire, la cour d’appel d’Agen considère que :

- d’une part, l'opération a accru l'actif du patrimoine de l'acquéreur, qui s'est enrichi de la propriété de l'appartement et du montant des loyers perçus durant 9 ans ;

- d’autre part, l'acquéreur ne produit aucun justificatif permettant de déterminer le montant effectif des avantages fiscaux dont il a bénéficié.

La cour d’appel conclut que l’acquéreur ne démontre pas le dol ; elle rejette ses demandes.

Censure de la Cour de cassation

L’investissement doit être annulé si l’investisseur a été trompé. - La Cour de cassation rappelle tout d’abord que la nullité d’un contrat est encourue lorsque les manoeuvres pratiquées volontairement par une des parties sont telles qu'il est évident que, sans elles, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Les juges agenais auraient donc dû rechercher si, lors de la conclusion du contrat, l'acquéreur n'avait pas été induit en erreur sur la rentabilité et la valeur du bien par des manoeuvres dolosives.

La Cour précise que, notamment, les concours accordés par le vendeur à l'exploitant et dissimulés à l'acquéreur peuvent constituer une manœuvre dolosive.

De même, l'absence d'analyse des prix du marché par un organisme indépendant peut également être retenue à titre de manœuvre dolosive et justifier la nullité de la vente.

Quant au manquement au devoir de conseil. - La cour d’appel d’Agen avait par ailleurs estimé que l’acquéreur ne pouvait plus invoquer un manquement du vendeur à son obligation de conseil car trop d’années s’étaient écoulées depuis son achat. Ici encore, la Cour de cassation censure.

S'agissant d'un investissement immobilier locatif avec défiscalisation, l'acquéreur ne peut invoquer un préjudice que lorsque l'impossibilité d'obtenir la rentabilité promise lui est révélée. C’est donc seulement à partir de cette révélation (et non à partir de l’investissement) que la prescription (actuellement de 5 ans) commence à courir.

Cass. civ., 3e ch., 26 octobre 2022, n° 21-19900

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