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Patrimoine

Démembrement de propriété

Le droit réel de jouissance spéciale ne peut pas être perpétuel

Lorsque le propriétaire consent un droit réel, conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale de son bien, ce droit, s’il n’est pas limité dans le temps par la volonté des parties, ne peut être perpétuel et s’éteint dans les conditions prévues par les articles 619 et 625 du code civil.

Dans ses arrêts « Maison de Poésie », la Cour de cassation a reconnu la possibilité, pour le propriétaire d'un bien immobilier de consentir, sous réserve des règles d'ordre public, un droit réel conférant le bénéfice d'une jouissance spéciale de son bien (cass. civ., 3e ch., 31 octobre 2012, n° 11-16304 ; cass. civ., 3e ch., 8 septembre 2016, n° 14-26953). Ce droit qui résulte de la convention des parties et des règles du droit de propriété est un droit réel distinct de l'usufruit et du droit d'usage et d'habitation régis par le code civil.

Parce qu'il ne suit pas le régime juridique de l'usufruit ou du droit d'usage et d'habitation, la question s’est posée de savoir si ce droit était limité dans le temps.

Dans cette affaire, une société A a acquis, par acte du 28 décembre 1983, 2 parcelles de terrains sur l’une desquelles se trouvaient 2 trous du parcours de golf voisin et une construction servant à l’accueil du golf. Par acte du 18 octobre 1999, la société A a vendu ces 2 parcelles à une société B. Enfin, le 25 juin 1992, une société C a acquis une autre parcelle du terrain et des constructions existantes dont elle a concédé en 2006 l’exploitation à l’association sportive. Cette société C ayant entrepris de réaménager les locaux du golf sur la parcelle appartenant à la société B, la société B l’a assignée en revendication de la propriété de ces locaux et en déclaration d’extinction, le 13 janvier 2014, du droit de jouissance dont la société C disposait sur le bâtiment et les 2 trous du parcours.

La cour d’appel lui ayant donné raison, la société C et l’association sportive se pourvoient en cassation.

En effet, selon elles, l’acte du 28 décembre 1983, publié le 13 janvier 1984, qui exclut de la vente consentie à la société A la jouissance et l’occupation de la portion de parcelle supportant les trous de golf et de la construction litigieuse tant que le golf existe consacre au profit des exploitants successifs un droit réel conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale du bien, distinct du droit d’usage et d’habitation régi par le code civil et dont la durée qui est fixée par les parties à la durée d’exploitation du golf ne relève pas des dispositions de l’article 619 du code civil qui en limite la durée à 30 ans.

Or, la Cour d’appel a relevé que l’acte de vente du 19 octobre 1999 précisait que l’acquéreur n’aurait la jouissance de la partie de l’immeuble supportant le parcours de golf et la construction litigieuse qu’au cas où le golf disparaîtrait.

Il en résulte que l’entrée en jouissance du propriétaire, par l’acte de vente du 28 décembre 1983, a été différé sans limitation dans le temps et que le bénéfice de cette jouissance, conférée à des personnes non déterminées, n’a pu durer plus de 30 ans, de sorte que la jouissance dont bénéficiait la société C et l’association sportive s’est éteinte le 13 janvier 2014.

À noter : Si dans ses arrêts « Maison de Poésie », la Cour de cassation a indiqué que le droit de jouissance ne saurait être limité à 30 ans lorsqu’il est constitué au profit d’une personne morale, elle précise ici, qu’en l’absence de limitation dans le temps, c’est la durée de 30 ans qui s’applique, ce droit ne pouvant être perpétuel.

Pour aller plus loin :

Dictionnaire fiscal, RF 2021, § 37098

Cass. civ., 3e ch., 4 mars 2021, n°19-25167

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