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Habilitation familiale et donation : le juge peut autoriser le représentant

En présence d’un majeur protégé hors d’état de manifester sa volonté, et donc en l’absence de caractérisation d’une intention libérale, présente ou passée, le juge peut autoriser la personne habilitée à représenter le majeur protégé pour procéder à une donation, sous réserve de quelques vérifications.

L’habilitation familiale est un outil de protection simplifié, à côté des mesures de protection judiciaire que sont la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle, qui permet à la famille proche du majeur protégé de l’assister ou de le représenter afin d’assurer la sauvegarde de ses intérêts (c. civ. art. 494-1).

Dans l’habilitation familiale en représentation, la personne habilitée a le pouvoir d’accomplir seul, les actes patrimoniaux que le tuteur a le pouvoir d’accomplir seul, à l’exception des actes de disposition à titre gratuit et des actes de disposition portant sur le logement de la personne protégée (c. civ.art. 426).

En effet, pour procéder à une donation au nom et pour le compte du majeur protégé, la personne habilitée doit être autorisée par le juge (c. civ. art. 494-6).

Pour mémoire, la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte (c. civ. art. 894). Comme toute libéralité, elle suppose, outre l’appauvrissement du gratifiant, l’existence d’une intention libérale vis-à-vis du gratifié. Or, en présence d’un majeur protégé hors d’état de manifester sa volonté, et donc en l’absence de caractérisation d’une intention libérale, présente ou passée, le juge peut-il autoriser la personne habilitée à représenter le majeur protégé pour procéder à une donation ?

A cette demande d’avis, la Cour de cassation apporte une réponse positive.

L’article 494-6, alinéa 4 du code civil est à rapprocher de l’article 476, alinéa 1 du même code aux termes duquel la personne en tutelle peut, avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, être assistée ou au besoin représentée par le tuteur pour faire des donations. Mais à la différence de l’article 476, alinéa 2 du code civil qui prévoit que la personne en tutelle ne peut faire que seule son testament, le tuteur ne pouvant ni l’assister ni la représenter, ce qui nécessite donc que la personne soit capable d’exprimer librement sa volonté au moment de la réalisation, l’article 496-4, alinéa 4 comme l’article 476, alinéa 1 du code civil n’exclut pas le cas où la personne protégée représentée est hors d’état de manifester sa volonté.

Toutefois, la donation ne doit pas être, pour autant, autorisée sans restriction.

Aussi, il appartient au juge des contentieux de la protection de s’assurer que, dans son objet comme dans sa destination, la donation correspond à ce qu’aurait voulu la personne protégée si elle avait été capable d’y consentir elle-même et de vérifier que cette libéralité est conforme à ses intérêts personnels et patrimoniaux. Tel ne serait pas le cas si la donation mettait en péril les moyens lui permettant de maintenir son niveau de vie et de faire face aux conséquences de sa vulnérabilité.

Pour aller plus loin :

« Donations - successions », RF 2020-6, § 208

Cass. civ., 1re ch., avis du 15 décembre 2021, n° 15024B

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