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Renonciation tacite à l’exercice du droit de revendication de la qualité d’associé

La renonciation à revendiquer la qualité d’associé par le conjoint de l’apporteur commun en biens peut être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer.

L’époux commun en biens peut souscrire seul des parts de SARL ou de société civile au moyen de deniers communs (c. civ. art. 222). Si les titres acquis en contrepartie constituent des biens communs (c. civ. art. 1401), la qualité d’associé est personnelle à l’époux apporteur (distinction du titre et de la finance).

Toutefois, l’article 1832-2 du code civil impose à l’époux apporteur, sous peine d’annulation de l’apport, d’avertir son conjoint et d’en justifier dans l’acte d’apport. À la suite de cette information, le conjoint de l’apporteur dispose d’une option :

-ou il revendique la qualité d’associé pour la moitié des parts au moment de l’apport ou à tout moment, aussi longtemps qu’un jugement de divorce passé en force de chose jugée n’est pas intervenu ;

-ou il renonce à cette qualité.

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, le conjoint commun en biens de la gérante d’une SARL a notifié en juin 2007 à la société son intention d’être personnellement associé à hauteur de la moitié des parts sociales correspondant à l’apport que son épouse avait effectué.

Invoquant le refus de cette dernière de lui communiquer les comptes de la SARL, il l’a assignée ainsi que la société dont elle était gérante aux fins de voir constater qu’il avait la qualité d’associé depuis juin 2007 et d’obtenir la communication de certains documents sociaux.

La cour d’appel ayant fait droit à la demande du conjoint constatant sa qualité d’associé, la SARL a formé un pourvoi en cassation.

Selon la société :

-l’autonomie professionnelle édictée aux articles 223 et 1421, alinéa 2 du code civil s’oppose à la revendication de la qualité d’associé par le conjoint lorsque l’époux apporteur exerce une profession séparée et que les parts sociales qu’il a acquises sont nécessaires à l’exercice de sa profession (premier grief) ;

-seul peut revendiquer la qualité d’associé d’une société celui qui est animé d’une volonté réelle et sérieuse de collaborer activement et de manière intéressée dans l’intérêt commun, avec les autres associés, à la réalisation de l’objectif social (l’affectio societatis) (2e grief) ;

-la renonciation au droit de revendication de la qualité d’associé peut être tacite et pas seulement expresse (3e grief).

La Cour de cassation déclare infondés les deux premiers griefs aux motifs que le droit de revendication de la qualité d’associé par l’époux commun en biens ne porte pas atteinte au droit du conjoint d’exercer une profession séparée et que l’affectio societatis n’est pas une condition requise pour la revendication, par un époux, de la qualité d’associé.

En revanche, concernant la forme de la renonciation au droit de revendication, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel qui considère que si l’époux peut renoncer lors de l’apport ou de l’acquisition des parts ou ultérieurement à revendiquer sa qualité d’associé, c’est à la condition que cette renonciation soit expresse et non équivoque. En effet, la renonciation à un droit peut être tacite dès lors que les circonstances établissent de façon non équivoque la volonté de renoncer. L’affaire est renvoyée.

Pour aller plus loin :

« Société civile immobilière », RF 2021-3, § 238

« SARL », RF Web 2022-2, § 42

Cass. com. 21 septembre 2022, n° 19-26203

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